Obstacles dans la discussion avec patient.e.s trans et la préservation de fertilité : un sujet sous-abordé et politisé
Depuis longtemps maintenant, les personnes trans subissent des stérilisations forcées pour avoir accès à des soins de transition. En parallèle, l’hormonothérapie substitutive (THS) est souvent démonisée et perçue comme une « castration forcée ». La transphobie rend donc encore plus difficile la discussion avec des patient.e.s trans à propos de la préservation de leur fertilité. Ces idées préconçues ont un effet non négligeable sur le point de vue des prestataires de soins de santé vis-à-vis ce que les personnes trans devraient vouloir et la valeur accordée à leur fertilité.
Il est fréquent que nous parlions à des patient.e.s qui ont eu peu ou pas de discussions avec leurs prestataires de soins au sujet de la préservation de la fertilité lorsqu'ils ont commencé un traitement hormonal substitutif. Très souvent, les prestataires de soins ne mentionnent pas que la préservation de la fertilité est une option pour les patient.e.s, ou ils se montrent très dédaigneux lorsqu'ils en discutent avec des patient.e.s transgenres. En fait, il est courant que de nombreux prestataires ne sachent même pas que la préservation de la fertilité est couverte par la RAMQ, ni comment orienter un.e patient.e transgenre vers un service de préservation de la fertilité.
À l'inverse, nous avons discuté avec des patient.e.s (en particulier des étudiant.e.s et des jeunes adultes) qui subissent une pression effective de la part des prestataires pour préserver leur fertilité. Dans un cas, une médecin continuait à demander à ses patient.e.s s'ils souhaitaient préserver leur fertilité, même après qu'ils aient clairement refusé. Elle leur demandait ensuite si leurs parents soutenaient leur transition et leur disait qu'ils devraient réfléchir à la manière dont la préservation de leur fertilité pourrait aider leurs parents à mieux les accepter.
Pour plusieurs, la préservation de fertilité est un outil essentiel pour soutenir leur transition médicale. En effet, cela leur permet plus tard d’avoir des enfants qui leur sont liés génétiquement. Bien entendu, tout le monde ne souhaite pas nécessairement faire cette préservation. Elle présente certains inconvénients, comme causer un délai de plusieurs mois à la THS. Dans le cas des personnes transmasculines, le processus de collecte des ovules est très exigeant : il nécessite généralement toute une série d’injections d’hormones, de prises de sang et d’échographies pendant une à deux semaines, avant de parvenir à la chirurgie de retrait des ovules réalisée sous anesthésie locale. On nous a souvent décrit que la procédure est plus invasive et douloureuse que ce que les médecins de THS et les prestataires de soins gynécologiques leur avaient dit.
La décision de préserver sa fertilité avant de commencer un traitement hormonal substitutif est profondément personnelle, et chaque patient.e mérite de pouvoir prendre la décision la plus éclairée possible. Voici quelques informations utiles sur la préservation de la fertilité.
Les effets de la THS sur la fertilité
Bien qu’on connaisse des cas de personnes trans ayant interrompu leur THS pour avoir des enfants génétiques, les recherches démontrent que la THS féminisante a de fortes chances de rendre infertile. Pour ce qui est de la THS masculinisante, il existe une petite recherche ( ici) suggérant que la fertilité n’est pas impactée. Il s’agit toutefois de la seule étude à se pencher sur les effets à long terme de la testostérone sur la fertilité à ce jour, et cela demeure insuffisant.
Si avoir des enfants génétiques est important pour vous, vous devriez songer à congeler vos ovules ou vos spermatozoïdes avant d’entamer la THS. Si vous l’avez déjà commencée, il se peut que vous puissiez l’interrompre pour congeler vos spermatozoïdes, et vous pouvez avec encore plus de certitude l’interrompre si c’est pour congeler vos ovules (consultez cette page en anglais pour en savoir plus). Or, la RAMQ ne couvrira pas les coûts de la préservation si vous avez déjà commencé la HTS (voir ci-dessous pour plus d’information sur les coûts).
C’est une procédure très fiable, surtout si vous êtes jeune
Les probabilités qu’un ovule congelé mène à une naissance sont bonnes, mais rien ne le garantit. Pour les personnes de moins de 36 ans qui en ont congelé plusieurs (de 10 à 20), le taux de succès est de 70 à 90 % (selon cette référence, en anglais), et les probabilités sont encore meilleures pour les personnes au début de leur vingtaine. Sachez également que les ovules congelés n’ont pas à être portés par la personne à qui ils appartiennent ; l’embryon peut être inséré dans l’utérus d’une personne faisant gestation pour autrui. Ainsi, les personnes transmasculines peuvent avoir des enfants génétiques sans devoir passer elles-mêmes par une grossesse.
Dans le cas des personnes transféminines, les chances sont encore meilleures. En fonction de l’utilisation faite des spermatozoïdes congelés, le taux de succès est identique ou légèrement inférieur à celui des spermatozoïdes qui n’ont jamais été congelés (voir cette étude, en anglais).
La RAMQ en couvre les coûts si vous commencez une THS !
La RAMQ couvre l’extraction, la première cryogénisation et cinq ans de préservation (ou jusqu’à votre vingt-cinquième anniversaire, selon ce qui est le plus éloigné). Par la suite, les coûts pour les garder congelés sont présentement de 200 $ par année.
- Pour que la RAMQ couvre votre préservation, votre prestataire de soins de santé doit vous référer à une clinique de fertilité en précisant que vous avez besoin de préserver votre fertilité parce que vous commencez une THS (un traitement médical qui compromettra votre fertilité).
- À notre connaissance, quatre cliniques à Montréal offrent ce service : le Centre de la reproduction du CUSM, le CHU Sainte-Justine, la clinique ovo, et Fertilys. Prenez note que certaines de ces cliniques affirment sur leur site Web qu’elles n’acceptent pas les couvertures de la RAMQ. Certaines cliniques de fertilité privées n’ont aucun médecin affilié à la RAMQ. Dans ce cas, la patientèle doit payer les frais d’avance et demander un remboursement à la RAMQ dans les douze mois qui suivent.
Lorsqu’on n’a pas les bonnes assurances ou qu’il faut payer d’avance les frais et se les faire rembourser, préserver sa fertilité peut être coûteux, en particulier aux étapes de collecte et de cryogénisation des ovules. À titre d’exemple, prenez connaissance de ce devis sans couverture d’assurance pour la congélation d’ovules et de spermatozoïdes chez Fertilys. En date de juin 2025, ces frais s’élèvent à 6 100 $ pour la cryogénisation d’ovules et un an de préservation, et 550 $ pour la cryogénisation de spermatozoïdes et un an de préservation.
Si vous n’avez pas de couverture RAMQ, certaines assurances privées l’incluent dans la leur, mais c’est plutôt rare. Malheureusement, la plupart du temps, cette procédure n’est pas couverte par les assurances de soins d’affirmation de genre.
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